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— Moi, je deviens fou…

— Tant pis ! Si vous ne gardez pas votre sang-froid, vous me livrerez à toutes ces brutes. Mes parents vont me courir après, naturellement. Ils m’ont chassée, mais ils le regrettent, et ils feront des démarches à n’en plus finir. Moi, je ne veux pas rentrer chez eux… Ah ! ce serait trop maladroit de ma part ! S’ils me croient morte aussi, tout est bien ! Non, je m’en vais. Une fois à Paris, chez lui, personne n’a le droit de me reprendre, car je suis majeure depuis trois semaines…

— Et si Henri Alban vous chassait à son tour ?

— Il n’osera jamais !

— Laure, Laure, vous me damnez, nous nous damnons ! On saura que j’ai protégé la fuite de l’enfant coupable ! Je vous aide à vous déshonorer davantage, et c’est un rôle hideux que vous me faites jouer… Laure, je vous en conjure, rentrez chez vos parents, je me charge de les réconcilier avec vous… Plus tard, quand tout sera oublié, vous…

Elle l’interrompit par un léger rire.

— Je n’oublie pas, moi, j’ai encore les griffes de ma mère marquées sur la poitrine ! Vous êtes ridicule, mon cher curé, avec vos éternels remords. Vous n’avez pas péché, vous n’êtes pas mon amant, je pense ! Eh bien, ce que vous faites, c’est de la charité chrétienne, rien de plus !

À ce moment, le cortège funèbre passait devant le porche, on menait le cadavre à la mairie et on