Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/13

Cette page n’a pas encore été corrigée

peut plus se dépêtrer. Un cercle se rétrécissait autour d’elle ; pour le briser, il fallait vivre d’une vie active, et elle organisait, séance tenante, un programme de réformes, voulait le soumettre à son amant. Elle heurtait même celui-ci, comme par hasard. Il ne bronchait pas, n’ayant pas du tout les nerfs tendus dans la direction de ceux de la jeune femme, et, découragée, elle le laissait tranquille, avec un grief de plus contre lui. — Les ténèbres enfantent, au sein de la femme, un esprit d’opposition, un esprit de tristesse qui ne lui permet pas de comprendre qu’un homme puisse dormir au moment précis où elle est éveillée, et l’esprit mélancolique, le pire des démons, car il la plaint tout en l’égarant dans un mirage, lui fait apercevoir les choses normales sous les aspects de torts graves. — Elle se levait, l’enjambait doucement et se mettait à glisser sur le parquet, tâtant chaque objet pour s’habituer à y voir du bout des ongles, allant, venant, comme un fantôme, sa chemise tombant sur ses pieds nus.

Cette nuit-là, une plus grande tension de nerfs la conduisit aux larmes. Elle pleura pour se faire plaisir ; mais l’explosion de cet orage intime lui fournit de terribles arguments. On ne pleure pas quand on est très heureux. Elle se douta qu’elle était malheureuse sans le savoir. Donc, il y avait pressentiment. Si le jour elle redevenait raisonnable, est-ce que cela prouvait que la nuit elle était toquée ? Du reste, la raison représentait