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Et d’un ton tout naturel il ajouta :

— Mademoiselle aura de la besogne.

Laure, stupéfaite, le regarda s’éloigner. De quelle besogne lui parlait-on ? Elle traversa le grand tapis ornant les marches de l’autel, et demeura indécise devant la porte de la sacristie. Elle frémissait d’une émotion vraiment neuve : sur le seuil du paradis, elle n’aurait pas eu plus de confusion. Derrière cet écroulement de fleurs artificielles que représentaient l’autel de la Vierge et sa propre existence, elle allait donc moissonner la sincère fleur d’amour, la fleur entre toutes défendue aux profanes. Leurs voluptés, frottées d’encens, leur donneraient bien réellement un avant-goût du ciel ; ils avaient attendu longtemps pour échanger le divin baiser des élus, l’un se vautrant dans toutes les fanges, l’autre isolé dans la prière, mais ils allaient s’unir, eux aussi, à l’église, après avoir envié, de loin, les épouses chastes traînant la robe immaculée sur les dalles jonchées de rameaux, et les époux graves, si fiers de leur charge d’âme féminine. Laure heurta doucement la porte.

— Entrez, répondit Armand de Bréville.

Elle pénétra sur la pointe du pied, comme dans une chambre de malade, et tout de suite fut saisie par l’odeur des roses. Au milieu des mousselines transparentes, des branches de rosiers blancs étalées formaient une croix que le jeune abbé était en train de consolider avec des joncs. La fenêtre ogivale de la sacristie s’ouvrait sur une perspective