Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/102

Cette page n’a pas encore été corrigée

sait, lui qui l’avait jetée dans les bras du monstre Lucien Séchard, le borgne. Sans la passion inassouvie que la folle avait eue pour cet enjuponné de noir, elle ne serait pas tombée, elle, une belle créature, sur un mâle infirme !…

Laure trépignait de rage. Son cœur, encore fermé au milieu de l’éclosion de sa chair, distinguait à peine le plaisir de l’amour ; d’ailleurs, ce qu’elle aimait par-dessus tout, c’était une volupté certaine, et elle était aujourd’hui bien certaine que les voluptés du borgne la dégoûtaient, tandis que le prêtre, si beau, dont les yeux lançaient de si extraordinaires lueurs, lui représentait une perpétuelle promesse de félicités. Il dominait encore sa vie, elle y pensait aux heures des humiliations, et, quand elle paraissait plus douce pour l’amant indigne, c’est qu’elle rêvait de lui.

Laure s’accouda sur la balustrade du chœur. On descendait maintenant la statue de saint Georges pour y substituer celle de la Vierge, et cette opération délicate ne se faisait pas sans circonstances amusantes. La jeune pécheresse prenait un sacrilège plaisir à voir tous ces gens s’agiter devant Dieu comme devant un autre. Les femmes, peu à peu retournées aux habitudes bavardes, échangeaient leurs impressions comme dans un vulgaire cabinet de toilette.

Les voix s’élevaient, on se disputait des balais, des serviettes, une éponge, les plumeaux. Les plus sérieuses secouaient les tapis, les nappes d’autel,