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premier salut du soleil, buvant la première fraîcheur de la nuit, il se sentait roi.

Mais le vent, cette inconcevable révolte de l’air qui crache et vitupère sans motif avouable, cette crise d’hystérie de l’espace, ces convulsions dont on n’arrive pas à comprendre le mobile, cette force aveugle qui représente, très au-dessus de la nature, une absurdité stérile et qui s’acharne pour l’unique plaisir de détruire, le vent l’a enfin saisi par la tête, brisant sa couronne de feuillage, arrachant son sceptre, sa plus forte branche et l’éventrant du haut en bas. Dans la nuit transparaît sa plaie blafarde, encore humide de sa sève. Il est nu jusqu’aux entrailles et son cadavre désormais appartient aux bûcherons qui n’en tireront pas deux planches droites.

Et le vent, fier de son exploit, reprend sa course, descend joyeux, sifflant, rugissant, le long des pentes. Ses clameurs sont des abois de meutes à la poursuite d’un mystérieux gibier. Il mène la chasse avec