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— Je suis de ton avis. Il saura porter l’eau.

Personne, en ce moment, n’a l’air de songer aux tisanes de la tante Fantille.

Entre les deux dressoirs qui se font face surchargés de faïences et de vaisselle d’étain brillantes comme de l’argent, règne une sécurité de famille bien unie. Ce n’est peut-être pas la chaleur de l’intimité, mais c’est la défense contre l’adversité, le devoir de rester ensemble. La véritable richesse ne réside-t-elle pas dans l’art de conserver ses apparences ?

Bien vivre n’est pas aussi nécessaire que continuer à vivre. D’ailleurs, qui se tourmente des misères morales ou qui ne peut s’y habituer lorsqu’on boit à sa soif et mange à sa faim ? Quand on a des regrets ou des remords, c’est qu’on digère mal.

L’ancien juge au tribunal civil n’achève pas sa crêpe de maïs :

— Tu me donneras des biscuits, dit-il à sa fille. Ils me permettront de mieux discerner le bouquet de ce vin-là que la nourriture chaude.