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sieur aux canons et aux munitions ! Je l’ai humblement prié de me pardonner et il m’a répondu avec une très charmante jovialité ! Pourquoi ai-je fait cela, voix dans le désert[1] ? Est-ce pour cette singulière contagion du frisson de l’anormal qui jette toute la France hors de ses usages ? La blague du temps de paix doit-elle s’expier en temps de guerre… ou perd-on la notion, l’instinct du réel ?

L’entrée en guerre est « une entrée en religion ». C’est une prise de voile. Mais c’est encore trop léger à porter, un voile. Il est facile de renoncer au monde, à ce à quoi on tient le moins. Ce qui m’est le plus cher, ici, c’est le silence, ce bain de silence que je viens prendre tous les étés après l’enfer de l’hiver parisien. Est-ce que je ne devrais pas sacrifier aussi la tranquillité de ma retraite avec celle de ma vie d’animal ? Ces enfants de mes réfugiés n’ont pas encore assez remué cette nappe d’eau lustrale. Germaine, Paul, qui gazouillaient furieusement, n’étaient que des oiseaux. C’est encore trop gentil des fureurs d’oiseaux !

  1. J’ai écrit cela en 1916. Je n’en veux rien retrancher.