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possession de leur instinct, qui meurent de force, parce que la maladie n’a pas eu le temps de les avilir.

Et Pierrette sort péniblement avec moi qui la traîne jusqu’au jardin. Quand elle revient, c’est bien une revenante ! Son pauvre ventre vidé il ne reste d’elle qu’un squelette et, en elle, un autre tout petit squelette mou qu’elle a gardé tout de même et qu’elle emportera, avec elle, dans la crevasse… Qu’a-t-elle pu manger ou boire depuis un mois pour être ainsi ! Là-bas, au pavillon, l’autre Pierrette bêle, semble me crier : « Ce n’est pas moi qui l’ai tuée. Nous ne nous sommes pas battues. Nous nous aimions bien, car nous nous tenions chaud. »

Je la recouche. Je la borde. Je pose près de son long nez aux si grande narines une poignée de foin, une tranche de pain, un morceau de sucre. Elle me lèche les mains, elle est heureuse, mais elle ne mangera rien ; elle se contentera de l’odeur, cette âme des choses qui va toucher si profondément l’âme des bêtes.