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Les uns trouvaient le comte de Bryon d’un profil original, les autres le déclaraient trop mince, trop grand.

— On le dit intelligent, affirmait un des journalistes ; il est orphelin, maître d’une grande fortune, et se destine aux arts. Il sera un étonnant critique, un jour député des Côtes-du-Nord où il a une propriété superbe.

Quand de Bryon fut parti, Berthe redevint maussade. Elle se demanda pourquoi tous ces êtres se croyaient obligés de dégarnir consciencieusement les plateaux. Pour la première fois, la jeune femme eut l’idée que le vrai monde ne devait pas être le sien. Ces hommes buvaient trop souvent, ces femmes parlaient trop haut et elle découvrit quelque chose d’exquis dans ce jeune homme froid dont le verre et la phrase restaient toujours inachevés.

— J’ai pourtant ici des nobles… pensa-t-elle.

Oui, il y avait des titres, des noms, des couronnes.

Cela n’avait ni château ni fortune ni blason, à la vérité.

— Et des artistes… ajouta-t-elle toujours mentalement.

Artistes passant leur vie dans un habit noir, de fête en fête, allant dîner chez des actrices, le lundi ; le mardi, déjeunant chez le financier le plus amoureux de leurs potins. Sûrement, leur concierge ne connaissait point leur visage car ils rentraient toujours vers trois heures du matin chez eux.