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Cette lettre un peu incohérente était cependant l’exact reflet de la nouvelle existence de madame Soirès. Le comte de Bryon, au mépris de toutes les lois sociales, l’avait installée dans une de ses propriétés comme dans une tombe à jamais scellée, et le lierre grimpait autour de la recluse, du lierre sombre dont la fraîcheur glaciale se répandait, peu à peu, dans son corps jeune et charmant.

Il avait fallu la sinistre tentative de Berthe pour décider ce parfait gentilhomme à un rapt, mais il savait bien que la victime n’oserait pas se plaindre et surtout que cette victime l’adorait.

À Paris, le banquier Soirès, fou de désespoir depuis la disparition de sa femme, avait reçu un matin la visite d’une jeune personne d’allures équivoques, une nommée Marie Grévinette.

— Monsieur, avait murmuré cette fille se tenant debout devant son juge, je vais vous causer une grande peine, mais il faut que je parle, voyez-vous ; moi aussi je souffre trop. J’ai besoin de tout vous raconter, parce que la nuit je me réveille en sursaut m’entendant appeler : assassin ! Monsieur Soirès, j’ai vu votre femme se jeter à la Seine du haut d’un pont qui avoisine la Morgue, il y a de cela un mois. Ayez pitié de mes larmes, ne me faites pas de mal… je croyais qu’on la sauverait sans que j’eusse à m’en occuper… Grâce, Monsieur, ne me brutalisez pas… je vous dirai tout !

Jean avait saisi la fille par les poignets, et l’avait