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de martinets, la couvée ouvre le bec dès que je m’approche et je leur jette de la mie de pain pour remplacer la mère qu’un affreux chat nous a tuée.

» Dites-moi, Maxime, puisque l’on me croit noyée, ne serait-il pas bien de rassurer maman ? Elle porte mon deuil, m’avez-vous appris ; elle doit ressentir un réel chagrin, car malgré ses idées très simples, elle m’aimait beaucoup… et j’ai le remords de la tourmenter.

» Je sais bien que je suis morte pour elle aussi !… Mon Dieu, c’est terrible de ne plus avoir même le droit d’exister, de parler, d’écrire… pourtant je dois vous remercier toujours, Maxime, je sens votre affectueux regard m’envelopper quand je pleure et mes plaintes sont des blasphèmes… Non… plus de retour au passé… que je demeure ici comme un cadavre oublié dans les fleurs. On ne jettera pas de terre sur ma pauvre poitrine, c’est déjà beaucoup ! Supposons tous les deux que mon corps roulé par la Seine jusqu’à l’Océan est venu aborder au cimetière de Langarek, où il dort avec un rêve céleste qui est vous.

» Adieu, mon Idéal, ma seule force, envoyez-moi le portrait promis. Je le mettrai en face de mon lit et je ferai ma prière devant lui, car je vous avoue que je suis redevenue dévote comme au couvent. Un amour sans espoir importune même le bon Dieu. J’attends vos lettres, j’attends les livres, j’attends enfin des choses que vous aurez touchées pour les presser sur mes lèvres. » « Berthe. »