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J’ai deux jardinières en jonc doré, toujours pleines des fleurs que vous me faites adresser chaque semaine par la bouquetière du Jockey-Club. Pourquoi ne pouvez-vous pas me cueillir une guirlande de liserons sauvages sur les rochers, près de Bryonne ? Hélas ! que vous êtes à la fois charmant et impitoyable… (Il faut que je me plaigne, voyez-vous, c’est plus fort que moi !…) quand je sais cependant que vous m’aimez comme un frère.

» Oh ! le joli petit lit que celui que vous avez choisi pour votre sœur ! Une couchette de pensionnaire, bien drapée de bleu, je m’y endors quelquefois… mais le plus souvent je demeure éveillée très longtemps afin de mieux jouir de sa douceur qui vient de vous. Merci de m’avoir permis le duvet… les pécheresses ne devraient coucher que sur la dure.

» Je me lève à huit heures, j’ouvre ma fenêtre, je contemple Bryonne ; en me penchant un peu, je salue la mer et le clocher mince, la fente obscure du grand miroir, puis je prends à peine le temps de me coiffer, je me fais un peu gronder par Anne qui m’apporte mon déjeuner et je cours au jardin. J’ai des roses que je connais déjà par leurs noms et des lys, petites boîtes de satin toutes garnies d’abeilles. Elles les mangent, ces mouches dorées, et je me fâche avec elles ; j’ai eu le doigt piqué hier ; Yvon qui sarclait des verveines m’a frotté cette piqûre avec une herbe souveraine contre le venin, paraît-il. J’ai aussi sous le lierre du pavillon un nid