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furibonds, la tête haute, prête à s’élancer sur sa rivale, ouvrit la porte.

— Ah ! disait-elle, se croyant de nouveau sur la rive gauche, chez un étudiant quelconque, je ne suis donc pas seule à avoir le secret… Entrez, ma petite… le comte de Bryon n’y est pas… moi, je vais vous recevoir !…

Berthe entra lentement, s’appuyant aux meubles. Ce fut une navrante apparition : la malheureuse jeune femme n’avait presque plus la force de se soutenir, elle devait venir de très loin, ses bottines et le bas de sa robe étaient maculés de boue ; comme il pleuvait ce jour-là, ses vêtements mouillés se collaient à ses membres transis. Rien ne lui demeurait de ses anciennes coquetteries, car sa toilette était pauvre, toute noire, elle n’avait même pas de gants. Marie Grévinette ne put s’empêcher de reculer.

— Quelle traînée ! dit-elle entre ses dents, cambrant sa superbe poitrine dans son veston de fourrure.

La duchesse, effarée, chancelait contre le dossier du voltaire, et respirait des sels.

— Malheureuse !… murmurait-elle, la malheureuse !…

— Que voulez-vous, Madame ? demanda la voix douce du comte derrière les rideaux de brocart.

— Plus rien maintenant que vous avez parlé… bégaya la femme du banquier Soirès, souriant d’un sourire égaré… je ne savais pas, moi, que l’on vous soignait… je vais m’en aller à présent, Monsieur de Bryon,… très tranquille… Pardonnez-moi.