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qui se révolte contre la peur, les courses dans les montagnes la nuit, les stations évocantes à la fosse des chiens, lieu légèrement sinistre, et tous les ridicules des névrosés malheureux : les cosmétiques, les parfums irritants, les souliers de satin dans la boue, les silences graves durant des journées pleines, les tressauts désordonnés de la bête en cage…

Une folie librement développée, au grand air des champs… Une folie ayant pour cabanon la splendide nature !

Les parents de cette folle sont absous de l’avoir jetée dans le gouffre littéraire, car, pour que tout soit bien anormal dans cette histoire, ils ne l’empêchèrent point d’écrire.

Mort et passion !… Entendez-vous ? Lisez-vous ? « Ils ne l’empêchèrent point d’écrire » et elle fit son premier voyage à Paris en compagnie de madame sa mère, laquelle mère comprenait de moins en moins… étant de système dévoué et d’idées fort justes.

Rachilde emportait avec elle des collections de tous les journaux de son pays, échantillons de sa prose, la rime étant pour toujours délaissée.

Elle pénétra d’emblée au fond du gouffre, sûre de ne plus rencontrer de noyé, que lui importait le reste ? Elle piqua sa pauvre tête au beau milieu, traînant ses jupes de pucelle dans les rédactions, des bouges pour les femmes comme il faut. Et on lui prit sa copie, pas encore le menton, on la sentait riche, indépendante, on la voyait hautaine, d’esprit cassant, de parole brève et peu aimable… Ensuite la mère venait la chercher en voiture, le père était un officier pouvant se battre, et elle ne plaisait qu’à demi, cette enfant de quinze ans, d’une volonté fixe, portant au fond de ses yeux assombris je ne sais quel reflet de la mare lointaine.

Rachilde cherchait son milieu, se sentant dépaysée parmi