nements, ce dolman par exemple, il était brodé de rouge d’un dessin tourmenté comme un chagrin extrême, et par ci par là on y remarquait des brandebourgs de soie noire, larges, s’étalant avec une sombre vanité. Rentrée au bercail des grenouilles, Rachilde, durant le terrible hiver de 70, fit des boules de neige et dirigea une armée de petits paysans mal nourris, sans souliers, mais ayant des pistolets de plomb.
La guerre terminée, les boules de neige fondues, le papa n’ayant pas été trop tué, on organisa la vie de famille : plus de départ tous les six mois, plus de chevaux à dresser et de conscrits à punir. Retraite sur toute la ligne. Ah !… c’est ici que l’on va respirer un peu !
— Monsieur Monnier, je n’ai plus de papier.
— Tiens, tiens ! vous aimez le demi-chine vous !…
— Je vous préviens que si vous me changez de papier, vous m’ôtez tous mes souvenirs d’enfance à la fois… quand j’ai commencé sur une toile, je ne peux pas dessiner sur une autre !…
— Tant pis… voilà des dos d’affiches bleu pâle… c’est excellent pour les souvenirs d’enfance… n’y a plus de l’autre, sacrebleu !
— Oh ! ces dos d’affiches… ils sont hérissés de petits poils rebelles… un désespoir !…
Rachilde fit sa première communion et devint très pieuse huit jours durant. Aux soirs des mois de mai, quand la nuit semble n’être qu’une longue aurore criblée de lune, d’étoiles, de mouches phosphorescentes et de ces rayons incertains qui paraissent monter des eaux dormantes, la fillette, en jupe presque longue déjà, descendait les collines le chapelet à la main, les yeux vagues, cherchant Dieu : elle trouva la poésie, non celle qui s’écrit, mais celle qui se voit, elle la rencontra au coin d’un buisson d’églantier, coiffée