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apprendre à penser, moi aussi, et je défends qu’on m’appelle poupée, les chiffons me font horreur !

— Il n’est vraiment pas trop de la mort d’un homme pour l’éducation d’une femme ! affirma le jeune comte saluant jusqu’à terre afin de cacher l’impertinent rictus de ses lèvres.

Quant à Berthe, elle se sentait envahie par un tel besoin d’expansion qu’elle embrassa son mari.

Ils partirent, ainsi qu’il était convenu, au galop, trinité désormais unie par d’invisibles liens, non, peut-être, parce qu’ils s’aimaient tous les trois, mais plutôt parce qu’ils s’étaient nécessaires. L’une représentant la vraie femme, une inconsciente enveloppe attendant l’âme, de l’enfantement ou du désespoir, d’ailleurs adorable sans âme, et sachant le plaisir avant de comprendre sa mission, belle à souhait, vibrant selon les lois de l’éternel désir. L’autre témoignant de la force qui conserve la santé des peuples, brutal comme toutes les manifestations de la vie humaine, de temps en temps cruel comme le fer et l’or, ces principes aveugles.

Le troisième planant au-dessus d’eux, les dominant de la tête, l’esprit, qui tente, séduit, perd, sauve, enseigne, consume tour à tour. L’éternel ennemi des matières, des routines, des choses admises. Le fantaisiste terrifiant qui promène du néant au paradis ceux qui osent l’interroger. Celui par lequel on doute où l’on espère. Délicieusement inutile, et pourtant indispensable à chacun aux ins-