Page:Rabutin - Correspondance, t. 1, éd. Lalanne, 1858.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
49
1667. — JUILLET

Qu’une fille soit grande, ou qu’elle soit ragotte,
De lis sous le mouchoir, d’albâtre sous la cotte,
L’aimer huit jours sans fruit, l’amour sent le moisi.

D’abord j’offre mon cœur, après j’offre ma bourse ;
La belle en rit, j’en ris ; c’est ma seule ressource.
Qui meurt d’amour est sot, et sot en cramoisi.

53. — Bussy au comte de Gramont.
À Chaseu, ce 20 juillet 1667.

J’écris à bien des gens, monsieur, que je n’aime et que je n’estime pas tant que vous. Mais dans ma retraite, j’ai mille sortes d’occupations qui m’ôtent tout loisir, et ce qui vous surprendra davantage, c’est que je trouve ici les jours d’été trop courts et que souvent à la cour j’ai trouvé ceux d’hiver trop longs. C’est qu’on n’y est pas le maître de ses peines et de ses plaisirs et que les chagrins cuisants, que les malheureux y souffrent, ne leur laissent rien sentir que leurs peines ; au lieu que dans l’endroit où je suis, la fortune en m’accablant d’injustices, m’a fait au moins le plaisir de me guérir de l’ambition ; et en me donnant le coup de grâce, me laisse chez moi tranquille. Le commerce de mes amis m’amuse, et le vôtre mérite bien qu’on ne le néglige pas. Vous verrez, monsieur, le cas que j’en fais par mon exactitude à vous répondre.

Le bout-rimé de Bourdenave est admirable ; je n’en ai jamais vu qu’un aussi beau, et plus difficile encore par les rimes, qui est celui qui commence par

Languissant et défait tel que fut jadis Nesse.


Sans doute vous l’avez vu, auquel cas vous ne l’avez pas oublié. Ils me devoient tous deux rebuter d’en faire, moi qui suis délicat et le plus sévère de tous mes censeurs. Cependant je m’amuse quelquefois à en faire pour me di-