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CORRESPONDANCE DE BUSSY-RABUTIN.

qu’il le sût lui tout seul ; car j’aime mieux son estime et son approbation que celle de tout le monde ensemble.

52. — Le comte de Gramont à Bussy.
À Paris, ce 15 juillet 1667.

Trouvez bon, monsieur, que je vous trouve après vous avoir cherché longtemps et que je vous dise que vous êtes un peu paresseux. Je me suis donné l’honneur de vous écrire plusieurs fois sans que vous m’ayez honoré d’une réponse. C’est tout ce qu’on peut faire de parler tout seul à Dieu. Humanisez-vous un peu, monsieur, je vous en supplie. Je vais tâcher de vous amuser des nouvelles du Parnasse, en attendant que je reçoive des vôtres.

Voilà un bout-rimé de Bourdenave ; vous lui donnerez le prix qu’il mérite, le public et les connoisseurs de ce pays-ci le trouvent beau ; pour moi, j’attends votre jugement pour le trouver digne de mon approbation ou pour la lui refuser. Tout le monde, à son imitation, en veut faire, et si ce temps dure, je crois qu’on ne parlera plus qu’en bouts-rimés. Les beaux-esprits prétendent même que rien n’est plus propre à donner des tours dans l’esprit pour trouver un beau sens à des rimes bizarres. Je vous en envoie, monsieur, d’assez difficiles, pour vous donner du plaisir à en faire quelque chose de bon, si vous voulez bien vous divertir à cela.


Quand on seroit d’amour le plus riche trésor
Si l’on traite mes feux de pure bagatelle,
Mes chaînes tiennent moins qu’une simple ficelle,
Je n’y songe en trois jours non plus qu’au grand Mogor.

Ce qui fit abrutir Nabuchodonosor
Fut sans doute l’orgueil de quelqu’autre rebelle,
Dont le cœur obstiné plus fort que la Rochelle,
Croyoit que bon renom valut ceinture d’or.