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1667. — JUILLET

voulusse changer de situation d’esprit. Vous le pouvez connoître à mes lettres, madame ; vous le verriez encore mieux à ma conversation.

51. — Bussy à M. de (Noailles ?).
À Chaseu, ce 9 juillet 1667.

Je crois que vous avez la même joie que moi des prospérités et de la gloire de notre maître, et le même regret de n’être pas au bivouac avec lui. Pour moi, je me consolois encore de n’aller point à la guerre, quand je n’y voyois que Coligny, Gadagne et Pradel ; mais quand je vois le plus grand prince du monde que j’ai servi toute ma vie, aller sans nécessité et par un excès de valeur reconnoitre les places lui-même, entrer dans les tranchées et se mettre dans des endroits où l’on tue des gens à ses côtés, je suis presque réduit au désespoir d’être forcé à demeurer dans ma maison et à ressembler, au moins en apparence, à mille coquins qui n’ont pas de honte d’être chez eux en sûreté et dans les plaisirs, tandis que leur maître fatigue et s’expose à mille périls à toute heure. Mais, monsieur, ne trouvez-vous pas qu’il faut faire des choses bien extraordinaires pour faire parler de soi auprès d’un prince aussi brave que celui-là ? Bon Dieu ! à quel prix met-il la gloire ? De notre temps nous l’avions à meilleur marché. Car enfin quand nous nous mettions souvent au hasard d’être tués, personne ne nous offensoit et nous faisions bien du bruit ; mais aujourd’hui que le plus grand roi du monde s’en mêle et qu’il se met à tous les jours, à peine saura-t-on par la mort d’un gentilhomme qu’il aura fait une belle action. Il n’importe, monsieur, je voudrois bien être auprès de S. M. Quand on ne devroit jamais parler de ce que j’aurois fait de bien, il me suffiroit