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CORRESPONDANCE DE BUSSY-RABUTIN.

peine de celle que vous auriez de perdre un moment de temps à ne rien voir de tout ce que je voudrois que vous vissiez, pour recevoir quelque satisfaction en lisant mes lettres. Mais pour finir tout ce galimatias, auquel je me suis embarqué mal à propos, je passerai aux nouvelles qui courent.

Je ne vous en saurois dire de plus fraîches que le mariage qui se vient de faire à Saint-Germain de M. le duc de Guise avec mademoiselle d’Alençon[1]. On les a fiancés dans la chambre du roi, on les a mariés dans la chapelle, et ils coucheront ce soir dans le château, ou bien il ne tiendra qu’à eux. Il y a beaucoup de choses à dire là-dessus que je veux taire pour éviter prolixité.

Tout ce que vous avez lu de la magnificence de Salomon ou de la grandeur du roi de la Chine n’est pas comparable à la pompe qui accompagne le roi dans son voyage. On ne voit passer par les rues que panaches, qu’habits dorés, que chariots, que mulets superbement harnachés, que chevaux de parade, que housses brodées de fin or, que gens étourdis qui s’entrechoquent en allant ou venant chercher ce qu’il leur faut pour parfaire leur équipage. Pour moi, qui suis un peu plus posé, j’ai composé un équipage du débris de celui que j’avois il y a deux ans, au grand soulagement de ma bourse, et je m’en vais pour être témoin des conquêtes que le roi va faire. Je n’ai ni office ni bénéfice, mais j’ai le plaisir, à l’âge de quarante-neuf ans, de faire le métier de volontaire que je n’avois jamais fait.

  1. Élisabeth, fille de Gaston d’Orléans et de Marguerite de Lorraine, née en 1646, mariée en 1667 à Louis-Joseph, duc de Guise, morte en 1696. Voy. sur elle et sur son mariage Saint-Simon, t.  II, p. 145 et les Mémoires de mademoiselle de Montpensier, année 1667.