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CORRESPONDANCE DE BUSSY-RABUTIN.

noîtriez pas le cœur. Je vous le dis encore, ma belle cousine, vous avez bien du jugement ; pour moi qui me suis mêlé autrefois de faire des almanachs d’amour, je suis dans l’avenir ignorant auprès de vous sur cette matière : au moins pour ce qui me regarde, je ressemble aux faiseurs d’horoscope, qui disent la vérité à tout le monde et qui d’ordinaire ne connoissent rien à leur propre destin. Mais nous nous accommoderons bien tous deux. Vous me prédirez mes aventures et je vous prédirai les vôtres. Cependant écrivez-moi quelquefois ce carême ; c’est un temps où l’on a plus de loisir ; car je m’imagine que vous n’êtes pas si occupée aux sermons que feue ma maîtresse d’indifférente mémoire[1].

27. — Bussy à la marquise d’Humières[2].
À Bussy, ce 6 mars 1667.

Si j’en croyois aux apparences, madame, je vous ferois des reproches de ne m’avoir point écrit depuis six mois que je suis parti de Paris, mais vous êtes une trop bonne parente et amie pour croire que vous ayez tort sur les devoirs de l’amitié et de la proximité. Ces réflexions, madame, m’alarment sur votre santé : sans elle vous ne sentiriez pas vos prospérités, et ce seroit grand dommage que vous ne fussiez pas heureuse de tous points. Pour moi, que la fortune a persécuté et rebuté de son service, je ne lui demande plus rien que pour mes parents et pour mes amis, et je vous trouve toujours, madame, à la tête de mes souhaits.

  1. Madame de Montglas, après sa rupture avec Bussy, s’était jetée dans la dévotion, mais sa ferveur ne dura guère.
  2. Louise-Antoinette-Thérèse de la Châtre, femme du marquis d’Humières, depuis maréchal de France, mort en 1694. Elle mourut à 88 ans. Voy. Saint-Simon (édit. in-18), t.  XXXVIII, p. 269.