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1666. — OCTOBRE

moins intéressé. Car en l’état où sont les affaires de ma fortune, je ne m’attends pas trop à la représaille, ni que vous m’en fassiez pour de pareilles raisons. Je ne laisse pourtant pas d’aimer le roi de tout mon cœur, non pas pour le bien qu’il m’a fait, mais parce qu’il est aimable, qu’il fait du bien aux honnêtes gens, quand il les connoît et qu’il en a fait à mes meilleurs amis. Si je n’étois pas si malheureux j’en dirois davantage, parce que j’en ai mille fois plus à dire. Mais vous croiriez peut-être, mon cher, que ce seroit quelque espérance qui me feroit parler, et je suis trop malheureux pour rien prétendre.

26. — Bussy à la comtesse de Fiesque.
À Bussy, ce 3 mars 1667.

Je ne vous ai pas écrit il y a longtemps, ma belle cousine : j’ai cru que ce seroit peine perdue aux environs du carnaval, et que bien loin de me répondre, peut-être n’auriez-vous pas le loisir de lire ma lettre ; mais maintenant vous voulez bien que je vous demande comment vous avez passé vos jours gras. Je ne doute pas que vous n’ayez été en masque à Versailles ; mais je vous prie de me mander avec qui et de quelle manière vous étiez déguisée. Si j’avois été à Paris, j’aurois été votre pèlerin, et j’aurois encore assurément trouvé avec vous quelque pèlerine de connoissance : car je crois que la marquise[1] a été de votre partie. Mon Dieu ! ma chère cousine, que j’ai d’impatience de vous voir ! J’ai cent mille choses à vous dire qui vous réjouiront. Je vous promets des conversations aussi gaies que je vous écrivois de tristes lettres l’année passée. Je me porte le mieux du monde : à peine connoîtriez-vous mon visage de la Bastille ; mais assurément vous n’en recon-

  1. De Gouville.