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CORRESPONDANCE DE BUSSY-RABUTIN.

pour le satisfaire : et quoique je sois pour le moins aussi fier que lui, l’obligation que je lui avois m’a empêché de me rebuter sur les premières difficultés que j’ai su qu’il a faites de recevoir mes compliments. Mais enfin la reconnoissance a ses bornes ; il n’est pas juste que, pour avoir quelques obligations, je souffre toujours, sans me plaindre à mon tour, des caprices d’un ami déraisonnable. Je ne nierai jamais qu’il m’ait fait plaisir ; mais je dirai en même temps qu’il a fait ce qu’il a pu pour me dégager, par la mauvaise opinion qu’il a eue de moi, de la reconnoissance que je lui devois. Si je n’étois plus honnête que lui, je ferois bien voir qu’il y avoit longtemps qu’il avoit détruit en moi ses bienfaits, quoique j’eusse la discrétion de n’en rien témoigner, par une espèce d’empire tyrannique qu’il avoit accoutumé d’exercer sur ses amis ; je ferois bien voir non-seulement que je m’acquittois en quelque façon envers lui par ces souffrances-là, mais encore par des bienfaits solides que quelques-uns de ses amis avoient reçus de moi. Mais ce seroit récriminer et je ne suis pas assez pressé pour le faire.

25. — Bussy au comte de Gramont.[1]
À Bussy, ce 3 mars 1667.

Je viens d’apprendre avec la plus grande joie du monde les prospérités de votre maison, parmi lesquelles vous croyez bien, mon cher, que les vôtres ne sont pas celles qui me réjouissent le moins[2], je vous en assure, et que de tous les compliments qu’on vous fera sur cette matière, il n’y en aura pas un plus sincère que le mien, ni

  1. Le célèbre chevalier de Gramont. Voy. Mémoires, t.  I, p. 165, et Histoire amoureuse t.  II, p. 330 et suiv., 342 à 413.
  2. Voy. plus haut, p. 17.