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Daignez m’en rapporter le moindre souvenir,
Toi surtout vieux gradin sacré pour l’avenir
Qui du haut de son trône a vu tomber l’archange.
Mais, que dis-je ? est-ce à moi vermisseau dans la

[fange,

D’oser peindre en sa chute un guerrier si fameux ?
D’autres l’ont bien osé, je puis l’oser comme eux.
Moi, qui mieux né, peut-être aurais été son barde ;
Moi, qui sorti du peuple, et dans sa vieille garde,
De l’Elbe à Montmirail, ai suivi tous ses pas ;
Moi, qui l’admirais tant et qui ne l’aimais pas !
Qu’importe ! j’ai choisi la vérité pour Muse…
Quiconque a de ce jour vanté l’éclat s’abuse !
Bien qu’avril eut des fleurs et des épis nombreux
L’air était froid, le jour indécis, ténébreux,
Le sol était humide et le ciel demi-sombre,
D’un pluvieux brouillard à peine éclairait l’ombre.
Le soleil d’Austerlitz avait dans son essort
D’un sinistre bandeau voilé ses rayons d’or.
Dės l’aube, cependant la Garde au front sévėre,
Pour son derier hommage au dieu qu’elle révère,
Muette, l’arme au bras, couvre la vaste cour ;
Si brave, si terrible, et subir un tel jour
Sans broyer en mourant une horde flétrie !
Pénible dévouement, tu sauvas la Patrie !
Tandis que chacun rêve, un noir et lourd marteau,
Réveille douze fois le timbre du château.
Dans nos cœurs abattus le son vibrait encore
Quand au seuil élevé qu’un monument décore.
Napoléon paraît… non plus comme autrefois
Fougueux, créant d’un geste, ou renversant les rois ;
Mais sombre, mais troublé ! tel qu’un lion sauvage
Que la ruse a flétri du joug de l’esclavage,