Les chiens le regardaient de travers, les chats le fuyaient ; et tous les animaux à basse-cour en avaient une sainte horreur.
Songez donc : un petit porc sans taches et se plaisant parmi les fleurs, ce ne pouvait qu’un fou, un fantasque, un monstre peut-être.
Sa mère ne le voyait jamais passer sans lui dire :
— Mon pauvre petit, nous ne ferons jamais rien de toi.
Approchait-il de son père ? Celui-ci lui envoyait d’une patte experte un jet de purin lui criant :
— Voilà tout ce que tu mérites… Tu finiras mal, Anatole.
Sans rien dire, le petit cochon collectionnait les réprimandes de sa famille et les brimades des étrangers. Il allait tranquillement à la rivière se laver des souillures dont il a été l’objet.
Il faut dire qu’Anatole possède cette chose qui élève et qui illumine tout ce qui vit sur terre… oui… Anatole avait un cœur ; ou plus simplement, du cœur.
Il était bon ; il aimait à rendre heureux.
Compatissant aux faibles et aux affligés, il n’avait pour ambition que de sentir près de lui un ami… que dis-je ? un ami… des amis, car son cœur était grand comme était hospitalière son âme.
Ce jour-là, dans la prairie, déambulait un pauvre petit caneton, abandonné de tous, à la suite d’aventures dramatiques, voire tragiques