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Un soir, il arriva à Toutenbec une fâcheuse aventure qui aurait pu, pour lui, tourner au tragique.

Passant auprès d'une habitation, il aperçut à terre un ver de vase. Il se précipita sur cette aubaine au moment précis où une grosse poule grise en faisait autant.

Furieuse de se voir disputer ce ver par un petit méchant caneton de rien du tout, la poule le prit dans son bec et le projeta à plus d'un mètre du sol.

Le caneton, qui, en tombant, aurait pu se rompre les reins, s’affala par un heureux hasard, sur un haut escabeau.

Et la poule, pendant ce temps, s'était enfuie en emportant le ver.

Toutenbec, ainsi perché pleurait à fendre l'âme. Il ne pouvait sauter à terre sans risquer de se rompre le cou ou de se casser une patte. Que faire ?

Près de l'escabeau se trouvait une balance dont les deux plateaux étaient inoccupés.

Tartarin vint à passer. Il entendit les pleurs du caneton et comprit vite le danger que courait son ami, et le parti qu'il pouvait tirer de cette balance bienfaisante, placée là vraiment par un hasard providentiel. Sans perdre un instant, il se laissa tomber dans le plateau de droite. Automatiquement, le plateau de gauche s'éleva à quelques centimètres du pauvre caneton si dangereusement perché.