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tout ce que je vous en ay escript est fine vérité ; et qu’il soit ainsi qu’elle soit fine, premier que la mettre au moulin, après qu’elle fut bien vannée, je la feis cribler ; après qu’elle fut moulue et en farine, je la feis sasser, et puis beluter par deux foys ; au moyen dequoy il ne se peult faire qu’elle ne soit fine et nette : car, s’il y eust eu tant soit peu de mensonge, elle fust passée par le crible ; ou, si elle eust esté trop grosse, elle fust demourée aux sacz ou aux beluteaux, comme vous pouvez bien croire et conjecturer par mes raisons, qui sont vrayes et bien apparentes.

Or vous sçavez qu’il y a au monde d’aussy grandz menteurs qu’en lieu où vous sçauriez aller, qui dient des choses qui ne sont pas vraysemblables ny conformes à raison, pour laquelle chose éviter et de paour d’encourir l’indignation et la haine des gens de bien, je me suis gardé de dire la vérité de plusieurs choses, quia veritas odium parit pource, dient les clers, que vérité engendre haine, et aussy que pour dire vérité on est aulcunesfoys pendu. A ceste cause je m’en suis abstenu le plus que j’ay peu, pour éviter tous inconvenientz ; parquoy, si on ne me faict bien grand tort, je crois qu’on ne m’en pendra pas.