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le cinqviesme livre

vn de vos precurſeurs, or de par Dieu, reſouldre pourrois l’enigme, or de par Dieu, mais certes ie n’y eſtois mie, & ſuis, or de par Dieu, innocent du faict. Orça, diſt Grippe-minaud, par Styx, puis qu’autre choſe ne veux dire, orça, ie te monſtreray, orça, que meilleur te ſeroit eſtre tombé entre les pattes de Lucifer, orça, & de tous les diables, orça, qu’entre nos griphes, orça, le vois tu bien, orça, malautru, nous allegues tu innocence, orça, comme choſe digne d’eſchapper nos tortures, orça, nos loix ſont comme toille d’araignes, orça, les ſimples mouſcherons, & petits papillons y ſont prins, orça, les gros taons malfaiſans les rompent, orça, & paſſent à trauers[1], orça. Semblablement nous ne cherchons les gros larrons & tyrans, orça, ils ſont de trop dure digeſtion, orça, & nous affolleroient, orça, vous autres gentils innocens, orça, y ſerez bien innocentez[2], orça, le grand diable, orça, vous y chantera meſſe, orça.

Frere Iean impatient de ce qu’auoit deduit Grippe minaud : hau monſieur le diable engipponné, comment veux tu qu’il reſponde d’vn cas lequel il ignore : ne te contente tu de verité ? Orça, diſt Grippe-minaud, encores n’eſtoit de mon regne aduenu, orça, qu’icy perſonne, ſans premier eſtre interrogué parloit, orça. Qui nous a deſlié ce fol enragé icy ? Tu as menty, diſt frere Iean ſans les leures mouuoir. Orça, quand ſeras en rang de reſpondre, orça, tu auras prou affaire, orça. Maraut, tu as menty, diſoit frere Iean en ſilence. Penſe tu eſtre en la foreſt de l’Academie, orça, auec les ocieux veneurs & inquiſiteurs de verité ? Orça nous auons bien icy autre choſe à faire, orça, icy on reſpond, ie dis, orça, categoriquement, de ce que lon ignore. Orça, on confeſſe auoir faict, orça, ce qu’on ne fiſt onques. Orça on proteſte ſçauoir ce

  1. Paſſent à trauers. Mot du Scythe Anacharsis, rapporté par Plutarque dans la Vie de Solon, VIII.
  2. Innocentez. Jeu de mots. Fouettés comme l’étaient les jeunes filles que l’on pouvait surprendre au lit le jour des Innocents.

    Semblant ferois de vous innocenter.

    (Marot, Epigrammes, VII, Du iour des Innocens)