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Comment nous deſcendimes en l’Iſle des ferremens[1].

Chapitre IX.


Novs eſtans bien apoinct ſabourez l’eſtomach[2] euſmes vent en pouppe : & fut leué noſtre grand artemon, dont aduint qu’en moins de deux iours arriuaſmes en l’Iſle des ferremens, deſerte, & de nul habitee : & y veiſmes grand nombre d’arbres, portans marroches, piochons, ſerfouettes[3], faux, faucilles, beches, truelles, congnees, ſerpes, ſcies, doloueres, forces, ſcizeaux, tenailles, pelles, virolets, & vibrequins.

Autres portoient daguenets, poignards, ſangdedez, ganiuets, poinſſons, eſpees, verduns, braquemarts, ſimeterres, eſtocs, raillons[4], & couſteaux.

Quiconque en vouloit auoir, ne faiſoit que crouſler l’arbre : ſoudain tomboient comme prunes : d’auantage, tombans en terre rencontroient vne eſpece d’herbe, laquelle on nommoit fourreau, & s’engainoient là dedans. A la cheute ſe faiſoit bien garder qu’ils ne tomboient ſus la teſſe, ſus les pieds, ou autres parties du corps. Car ils tomboient de poinſte, c’eſtoit pour droit engainer, & euſſent affollé la per-

  1. L’Iſle des ferrements. L’idée première paraît prise du chapitre XXIV des navigations de Panurge intitulé : De l’iſle ou croiſſent les eſpees, poignards, couſteaux grans & petis de toutes ſortes. Il y a en outre un souvenir du chapitre IX du quart livre et « des eſtranges alliances de l’Iſle Ennaſin. » Les phrases, les comparaisons, les expressions caractéristiques sont toutes presque déjà connues. Il en est de même dans tous les morceaux qui ne sont évidemment pas de Rabelais. C’est une démonstration que nous ne pouvons entreprendre partout, ligne par ligne, mot par mot, mais dont nous voulons du moins donner un spécimen dans les notes de ce chapitre. Le glossaire facilitera du reste beaucoup ce genre de comparaison.
  2. Sabourez l’eſtomach. « I’ay bien ſaburré mon ſtomach. » (t. I, p. 22, l. 16)
  3. Marroches, piochons, ſerfouettes. « Des marrochons, des pioches, cerfouettes, » (t. I, p. 92, l. 13)
  4. Braquemarts, ſimeterres, eſtocs, raillons. Le modèle de cette énumération d’armes se trouve dans le prologue du tiers livre (t. II, p. 7, l. 19) auquel le rédacteur du cinquieſme liure a fait de nombreux emprunts.