Page:Rabelais marty-laveaux 03.djvu/40

Cette page n’a pas encore été corrigée

32 Lt ClNyVltSME LIVRE.

mefmes, & fyllogifant : il dift bien auïïi n’eftre mon eftat fuyure les cours des gros feigneurs : nature ne m’a produit que pour l’aide des pauures gens, Efope m’en auoit bien aduerty par vn fien apoloigue : ce a efté outrecuidance à moy : remède n’y a que d’ef- camper de hait, ie dis pluftoft que ne font cuiftes afperges. Et l’Afne au trot, à peds, à bonds, à ruades, au gallot, à pétarades.

La bergère voyant l’Afne defloger dift au palle- fr’enier, qu’il eftoit fien, & pria qu’il fuft bien traité, autrement elle vouloit partir fans plus auant en- trer. Lors commanda le pallefrenier que pluftoft les chenaux n’euftent de huit iours auoine, que l’afne n’en euft tout fon faoul. Le pis fut de le reuoquer : car les garfons l’auoient beau flatter & l’appeller, Truunc, truunc baudet ça. le n’y vois pas, difoit l’Afne, ie fuis honteux. Plus amiablement l’appel- loient, plus rudement s’efcarmouchoit-il : & à fautx, à pétarades. Ils y fuffent encores, ne fuil : la bergère qui les aduerdt cribler auoine hault en l’air en l’ap- pellant : Ce que fut faift, foudain l’afne tourna vifage, difant, auoine bien aduenant, non la forche, ie ne dis, qui me dit, pafTe fans flux. Ainfi à eux fe rendit chantant melodieufement, comme vous fçauez qui faift bon ouïr la voix & mufique de ces beftes Archadiques.

Arriué qu’il fut on le mena en l’eftable près du grand cheual, fut frotté, torchonné, eftrillé, litière frefche iufqu’au ventre, plain’ râtelier de foin, plaine mangoire d’auoine, laquelle quand les garfons d’ef- table cribloient, il leur chauuoit des aureilles, leurs lignifiant qu’il ne la mangeroit que trop fans cribler, & que tant d’honneur ne luy appartenoit.

Quant ils eurent bien repeu, le cheual interro-