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Des maladies de ceſte année.

Chapitre III.


Ceste année les aueugles ne verront que bien peu, les ſourdz oyront aſſez mal[1] : les muetz ne parleront guieres : les riches ſe porteront vn peu mieulx que les pouures, & les ſains mieulx que les malades. Pluſieurs Moutons, Beufz, Pourceaulx, Oyſons, Pouletz, & Canars mourront : & ne ſera ſi cruelle mortalité entre les Cinges, & Dromadaires. Vieilleſſe ſera incurable ceſte année à cauſe des années paſſées. Ceulx qui ſeront pleureticques auront grant mal au coſté, ceulx qui auront flus de ventre, iront ſouuent à la celle percée, les catharres deſcendront ceſte année du cerueau es membres inferieurs : le mal des yeulx ſera fort contraire à la veüe, les aureilles ſeront courtes & rares en Gaſcongne plus que de couſtume. Et regnera quaſi vniuerſellement, vne maladie bien horrible, & redoubtable : maligne, peruerſe, eſpouentable, & mal plaiſante, laquelle rendra le monde bien eſtonné, & dont pluſieurs ne ſçauront de quel bois

  1. Les aueugles ne verront que bien peu. Joach. Fort. Rindelbergius d’Anvers, dans De ratione ſtudii publié chez Gryphius en 1531, in-8o, a consacré à l’astrologie un chapitre que Rabelais a largement mis à profit, comme on le verra par l’extrait suivant :
    Ridicvla, sed ivcvnda qvædam vaticinia.

    « Proximo anno, cæci parum, aut nihil videbunt, ſurdi male audient, muti non loquentur… Diuites melius ſe habebunt quam pauperes, ſani quam ægri… Multi interibunt piſces, boues, oues, porci, capræ, pulli & capones : inter ſimias, canes & equos mors non tantopere ſæuiet… Senectus eodem anno erit immedicabilis, propter annos qui præceſſerunt… Bellum erit inter canes & lepores, inter feles & mures, inter lupos & oues, inter monachos & oua… » — Starrenwadel dit aussi : « Sani melius habebunt quam infirmi ; pariter diuites quam pauperes. » (XX, Regis, t. III, p. 928)