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chapitre lxv

Dieu mercy & vous. Ie ſuys guay comme vn Papeguay, ioyeulx comme vn Eſmerillon, alaigre comme vn Papillon. Veritablement il eſt eſcript par voſtre beau Euripides, & le dict Silenus[1] beuueur memorable.

Furieux eſt, de bons ſens ne iouiſt,
Quiconques boyt, & ne s’en reſiouiſt.

Sans poinct de faulte nous doibuons bien louer le bon Dieu noſtre createur, ſeruateur, conſeruateur, qui par ce bon pain, par ce bon vin & frays, par ces bonnes viandes nous gueriſt de telles perturbations tant du corps comme de l’ame : oultre le plaiſir & volupté que nous auons beuuans & mangeans. Mais vous ne reſpondez poinct à la queſtion de ce benoiſt venerable frere Ian, quand il a demandé. Maniere de haulſer le temps ? Puys (diſt Pantagruel) que de ceſte legiere ſolution des doubtes propouſez, vous contentez, ainſi ſoys ie. Ailleurs, & en aultre temps nous en dirons d’aduentaige, ſi bon vous ſemble. Reſte doncques à vuider ce que a frere Ian propouſé. Maniere de haulſer le temps ? Ne l’auons nous à ſoubhayt haulſé ? Voyez le guabet de la hune. Voyez les ſiflemens des voiles. Voyez la roiddeur des eſtailz, des vtacques, & des eſcoutes. Nous haulſans & vuidans les taſſes s’eſt pareillement le temps haulſé par occute ſympathie de Nature. Ainſi le haulſerent Athlas & Hercules, ſi croyez les ſaiges Mythologiens[2]. Mais ilz le haulſerent trop d’vn demy degré : Athlas, pour plus alaigrement feſtoyer Hercules ſon hoſte. Hercules, pour les aterations precedentes par les deſers de Lybie. (Vraybis, diſt frere Ian interrompant le propous, i’ay ouy de pluſieurs venerables docteurs, que Tirelupin ſommelier de voſtre bon pere eſpargne par chaſucn an plus de dixhuyct cens

  1. Silenus. Dans Le Cyclope v. 168. Les deux vers qui suivent sont cités dans les Serées de Bouchet (t. I, p. 4), mais le premier hémistiche du second y est ainsi modifié :

    Qui boit bon vin…

  2. Si croyez les ſaiges Mythologiens. Ils racontent qu’un jour Hercule porta le ciel sur ses épaules pour soulager Atlas.