Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
32
le tiers livre

bons, tous ſeront beaulx, tous ſeront iuſtes. O monde heureux. O gens de ceſtuy monde heureux. O beatz troys & quatre foys. Il m’eſt aduis que ie y ſuis. Ie vous iure le bon Vraybis, que ſi ceſtuy monde, beat monde ainſi à vn chaſcun preſtant, rien ne refuſant euſt Pape foizonnant en Cardinaulx, & aſſocié de ſon ſacre colliege, en peu d’années vous y voiriez les ſainctz plus druz, plus miraclificques, à plus de leçons, plus de veuz, plus de baſtons, & plus de chandelles, que ne ſont tous ceulx des neufz eueſchez de Bretaigne. Exceptez ſeulement ſainct Iues. Ie vous prie conſiderez comment le noble Patelin voulant deifier & par diuines louenges mettre iusques au tiers ciel le pere de Guillaume Iouſſeaulme, rien plus ne diſt ſinon,

Et ſi preſtoit,
Ses denrées, à qui en vouloit.[1]

O le beau mot. A ce patron figurez vous noſtre microcoſme, id eſt, petit monde, c’eſt l’home, en tous ſes membres, preſtans, empruntans, doibuans, c’eſt à dire en ſon naturel. Car nature n’a créé l’home que pour preſter & emprunter. Plus grande n’eſt l’harmonie des cieux, que ſera de ſa police. L’intention du fondateur de ce microcoſme, eſt y entretenir l’ame, laquelle il y a miſe comme hoſte : & la vie. La vie conſiſte en ſang. Sang eſt le ſiege de l’ame. Pourtant vn ſeul labeur poine en ce monde, c’eſt forger ſang continuellement. En ceſte forge ſont tous membres en office propre : & eſt leur hierarchie telle que ſans ceſſe l’vn de l’autre emprunte, l’vn à l’autre preſte, l’vn à l’autre eſt debteur. La matiere & metal conuenable pour eſtre en ſang tranſmué, eſt baillée par nature : Pain & Vin. En ces deux ſont

  1. Et ſi preſtoit…Farce de Pathelin, p. 13.