Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
257
prologve.

en lignee, comme Abraham, estre autant riche que Iob, autant fort que Sanson, aussi beau que Absalon : l’eust il impetré ? C’est vne question.

A propos de soubhaictz mediocres en matiere de coingnee (aduisez quand sera temps de boire) ie vous raconteray ce qu’est escript parmy les apologues du saige Æsope le François. I’entends Phrygien & Troian, comme afferme Max. Planudes : duquel peuple selon les plus veridicques chronicqueurs, sont les nobles François descenduz. Ælian escript qu’il feut Thracian : Agathias apres Herodote, qu’il estoit Samien. Ce m’est tout vn.

De son temps estoit vn paouure homme villageois natif de Grauot nommé Couillatris, abateur & fendeur de boys, & en cestuy bas estat guaignant cahin caha sa paouure vie. Aduint qu’il perdit sa coingnee. Qui feut bien fasché & marry ce fut il. Car de sa coingnee dependoit son bien & sa vie : par sa coingnee viuoit en honneur & reputation entre tous riches buscheteurs : sans coingnee mouroit de faim. La mort six iours apres le rencontrant sans coingnee, auecques son dail l’eust fausché & cerclé de ce monde. En cestuy estrif commença crier, prier, implorer, inuocquer Iuppiter par oraisons moult disertes (comme vous sçauez que Necessité feut inuentrice d’Eloquence) leuant la face vers les cieulx, les genoilz en terre, la teste nue, les bras haulx en l’air, les doigts des mains esquarquillez, disant à chascun refrain de ses suffrages à haulte voix infatiguablement. Ma coingnee Iuppiter, ma coingnee. Rien plus, ô Iuppiter, que ma coingnee, ou deniers pour en achapter vne autre. Helas, ma paouure coingnee. Iuppiter tenoit conseil sus certains vrgens affaires : & lors opinoit la vieille Cybelle, ou bien