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a mon seignevr odet.

len, Hali Abbas, autres autheurs consequens pareillement, l’ont composé en gestes, matation, reguard, touchement, contenence, grace, honesteté, netteté de face, vestemens, barbe, cheueulx, mains, bouche, voire iusques à particularizer les ongles, comme s’il deust iouer le rolle de quelque Amoureux ou Poursuyvant en quelque insigne comœdie, ou descendre en camp clos pour combatre quelque puissant ennemy. Defaict la practique de Medicine bien proprement est par Hippocrates comparée à vn combat, & farce[1] iouée à trois personnages : le malade, le medicin, la maladie. Laquelle composition lisant quelque fois m’est soubuenu d’vne parolle de Iulia[2] à Octauian Auguste son pere. Vn ieur elle s’estoit deuant luy presentee en habiz pompeux, dissoluz, & lascifz : & luy auoit grandement despleu, quoy qu’il n’en sonnast mot. Au lendemain elle changea de vestemens, & modestement se habilla comme lors estoit la coustume des chastes dames Romaines. Ainsi vestue se presenta deuant luy. Il qui le iour precedent n’auoit par parolles declaré le desplaisir qu’il auoit eu la voiant en habitz impudicques, ne peut celer le plaisir qu’il prenoit la voiant ainsi changée, & luy dist. O combien cestuy vestement plus est seant & louable en la fille de Auguste. Elle eut son excuse prompte, & luy respondit. Huy me suis ie vestue pour les œilz de mon pere. Hier ie l’estois pour le gré de mon mary. Semblablement pourroit le medicin ainsi desguisé en face & habitz, mesmement reuestu de riche & plaisante robbe à quatre manches, comme iadis estoit l’estat, & estoit appellee Philonium, comme dict Petrus Alexandrinus in 6. Epid. respondre à ceulx qui trouueroient la prosopopée estrange. Ainsi me suis ie acoustré, non pour me guorgiaser & pomper : mais pour le gré du malade, lequel ie visite : auquel seul ie veulx entierement complaire : en rien ne l’offenser ne fascher.

Plus y a. Sus vn passaige du pere Hippocrates on liure cy

  1. Hippocrate dit seulement (Des Épidémies, vi.) : « L’art se compose de trois termes : la maladie, le malade et le médecin. »
  2. Voyez Macrobe, Saturnales, ii, 5.