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chapitre li

ainſi que le voirez deſeichant ſus le mal. Sans elle ſeroient les cuiſines infames, les tables deteſtables, quoy que couuertes feuſſent de toutes viandes exquiſes : les lictz ſans delices, quoy que y ſeult en abondance Or, Argent, Electre, Iuoyre, & Porphyre. Sans elle ne porteroient les Meuſniers bled au moulin, n’en rapporteroient farine. Sans elle comment ſeroient portez les playdoiers des Aduocatz à l’auditoire ? Comment ſeroit ſans elle porté le plaſtre à l’haſtellier ? Sans elle comment ſeroit tirée l’eaue du puyz ? Sans elle que feroient les Tabellions, les Copiſtes, les Secretaires, & Eſcriuains ? Ne periroient les Pantarques & papiers rantiers ? Ne periroit le noble art d’Imprimerie ? De quoy feroit on chaſſis ? Comment ſonneroit on les cloches ? D’elle ſont les Iſiacques ornez, les Paſtophores reueſtuz, toute humaine nature couuerte en premiere poſition. Toutes les arbres lanificques des Seres, les Goſſampines de Tyle en la mer Perſicque, les Cynes des Arabes, les vignes de Malthe, ne veſtiſſent tant de perſones, que faict ceſte herbe ſeulette. Couure les armées contre le froid & la pluye, plus certes commodement que iadis ne faiſoient les peaulx. Couure les Theatres & Amphitheatres contre la chaleur, ceinct les boys & taillis au plaiſir des chaſſeurs, deſcend en eaue tant doulce que marine au profict des peſcheurs. Par elle ſont bottes, botines, botaſſes, houzeaulx, brodequins, ſouliers, eſcarpins, pantofles, ſauattes miſes en forme & vſaige. Par elle ſont les arcs tendus, les arbeleſtes bandées, les fondes faictes. Et comme ſi feuſt herbe ſacre, Verbenicque, & reuerée des Manes & Lemures les corps humains mors ſans elle ne ſont inhumez.

Ie diray plus. Icelle herbe moyenante les ſub-