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Comment Gargantua remonstre n’estre licite es
enfans soy marier, sans le sceu & adueu
de leurs peres & meres.
[1]

Chapitre XLVIII.


Entrant Pantagruel en la salle grande du chasteau, trouua le bon Gargantua issant du conseil : luy feist narré sommaire de leurs aduentures : exposa leur entreprinse : & le supplia, que par son vouloir & congié la peussent mettre à execution. Le bon home Gargantua tenoit en ses mains deux gros pacquetz de requestes respondues : & memoires de respondre : les bailla à Vlrich Gallet son antique maistre des libelles & requestes : tira à part Pantagruel, & en face plus ioyeuse que de coustume luy dist. Ie loue Dieu, filz trescher, qui vous conserue en desirs vertueux, & me plaist tresbien que par vous soit le voyage perfaict. Mais ie vouldroys que pareillement vous vint en vouloir & desir vous marier. Me semble que dorenauant venez en aage à ce competent. Panurge s’est assez efforcé rompre les difficultez, qui luy pouuoient estre en empeschement. Parlez pour vous. Père tresdebonnaire (respondit Pantagruel) encores n’y auoys

  1. Érasme s’était déjà élevé contre les abus signalés ici, dans un passage de son dialogue Virgo μισόναμὸς, ainsi traduit par Marot :

    A ce propos plusieurs le trouuent
    Qui les mariages approuuent
    Des ieunes gens, lesquelz s’attachent
    Sans que pere & mere le sçachent,
    Voyre malgré eulx plusieurs fois.

    Il est remarquable de voir les auteurs comiques et les poètes prendre avec tant d’autorité et d’éloquence la défense du pouvoir paternel, dont le clergé, s’appuyant sur le droit canonique, ne vouloit tenir aucun compte. Ce beau chapitre, d’une si haute moralité, gêne fort les biographes de fantaisie d’un Rabelais égrillard ; aussi est-il toujours demeuré dans l’ombre : on semble s’être entendu pour ne le point citer.