Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/98

Cette page n’a pas encore été corrigée

voluntiers portoit il une grande et longue robbe de grosse frize fourrée de renards ; après se peignoit du peigne de Almain, c’estoit des quatre doigtz et le poulce, car ses precepteurs disoient que soy aultrement pigner, laver et nettoyer estoit perdre temps en ce monde.

Puis fiantoit, pissoyt, rendoyt sa gorge, rottoit, pettoyt, baisloyt, crachoyt, toussoyt, sangloutoyt, esternuoit et se morvoyt en archidiacre, et desjeunoyt pour abatre la rouzée et maulvais aer : belles tripes frites, belles charbonnades, beaulx jambons, belles cabirotades et forces soupes de prime.

Ponocrates luy remonstroit que tant soubdain ne debvoit repaistre au partir du lict sans avoir premierement faict quelque exercice. Gargantua respondit :

«  Quoy ! n’ay je faict suffisant exercice ? Je me suis vaultré six ou sept tours parmi le lict davant que me lever. Ne est ce assez ? Le pape Alexandre ainsi faisoit, par le conseil de son medicin Juif, et vesquit jusques à la mort en despit des envieux. Mes premiers maistres me y ont acoustumé, disans que le desjeuner faisoit bonne memoire ; pour tant y beuvoient les premiers. Je m’en trouve fort bien et n’en disne que mieulx. Et me disoit Maistre Tubal (qui feut premier de sa licence à Paris) que ce n’est tout l’advantaige de courir bien toust, mais bien de partir de bonne heure ; aussi n’est ce la santé totale de nostre humanité boyre à tas, à tas, à tas, comme canes, mais ouy bien de boyre matin ; unde versus :

Lever matin n’est poinct bon heur ;

Boire matin est le meilleur.