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manger une once sans boire, qu’il pourroit à luy resister sans peur. Adonc le prisonnier le supplya à ioinctes mains qu’à l’heure de la bataille il eust de luy pitié, dont luy dist Pantagruel. Apres que tu auras annoncé à ton roy, metz tout ton espoir en dieu, & il ne te delaissera point. Car de moy encores que soye puissant comme tu peuz veoir, & aye gens infiniz en armes, toutesfois ie n’espere point en ma force, ny en mon industrie : mais toute ma fiance est en dieu mon protecteur, lequel iamais ne delaisse ceulx qui en luy ont mys leur espoir & pensée.

Ce faict, le prisonnier luy requist que touchant sa ranson il luy voulut faire party raisonnable. À quoy respondist Pantagruel, Que sa fin n’estoit de piller ny ransonner les humains, mais de les enrichir & reformer en liberté totalle.

Va t’en (dist il) en la paix du Dieu vivant : & ne fuiz iamais maulvaise compaignie, que malheur ne te advienne.

Le prisonnier party, Pantagruel dist à ses gens. Enfans iay donné à entendre à ce prisonnier que nous avons armée sur mer, ensemble que nous ne leur donnerons l’assault que iusques à demain sur le midy, à celle fin qu’eulx doubtans la grande venue de gens, cette nuyct se occupent à mettre en ordre & soy remparer : mais en ce pendant mon intention est que nous chargeons sur eulx environ l’heure du premier somme.

Mais laissons icy Pantagruel avecques les Apostoles. Et parlons du roy Anarche & de son armée. Quand doncques le prisonnier fut arrivé il se transporta vers le Roy, et luy compta comment il estoit venu ung grand geant nommé Pantagruel qui avoit desconfit & faict roustir