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me tenir telz propos ? Et à qui pensez vous parler ? allez, ne vous trouvez iamais devant moy car si n’estoit pour un petit, ie vous feroys coupper bras & iambes.

Or (dist il) ce me seroit tout un d’avoir bras & iambes couppez, en condition que nous fissions vous & moy un transon de chere lie iouant des manequins à basses marches : car (monstrant sa longue braguette) voicy maistre Iehan ieudy, qui vous sonneroit une antiquaille, dont vous vous sentiriez iusques à la mouelle des os. Il est galland, & vous sçait bien trouver les alibitz forains & petitz poullains grenez en la ratouere, que apres luy il n’y a qu’espousseter.

À quoy respondit la dame. Allez meschant allez, si vous m’en dictes encores un mot, ie appelleray le monde, & vous feray icy assommer de coups.

Ho (dist il) vous n’estes pas si male que vous dictes, non : ou ie suis bien trompé à vostre physionomie : car plus tost la terre monteroit es cieulx & les haulx cieulx descendroient en l’abysme & tout ordre de nature seroit perverty, qu’en si grande beaulté & elegance comme la vostre, y eust une goutte de fiel, ny de malice. L’on dit bien que à grand peine veit on iamais femme belle, qui aussi ne feust rebelle : mais cella est dit de ces beautez vulgaires. Toutesfois la vostre est tant excellente tant singuliere, tant celeste, que ie croy que nature l’a mise en vous comme en parangon pour nous donner à entendre combien elle peult faire, quand elle veult employer toute sa puissance & tout son sçavoir. Ce n’est que miel, ce n’est que sucre, ce n’est que manne celeste, de tout ce qu’est en vous. C’estoit à vous à qui Paris debvoit adiuger la pomme d’Or, non à Venus non, ny à Iuno, ny à Minerve : car oncques n’y eut tant de magnificence en Iuno, tant de prudence en Minerve, tant de elegance en Venus,