Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/274

Cette page n’a pas encore été corrigée

nom en benediction entre les hommes, seroit degenerante et abastardie ; ce que je ne dis par defiance que je aye de ta vertu, laquelle m’a esté jà par cy devant esprouvée, mais pour plus fort te encourager à proffiter de bien en mieulx. Et ce que presentement te escriz n’est tant affin qu’en ce train vertueux tu vives, que de ainsi vivre et avoir vescu tu te resjouisses et te refraischisses en courage pareil pour l’advenir. À laquelle entreprinse parfaire et consommer, il te peut assez souvenir comment je n’ay rien espargné ; mais ainsi te y ay je secouru comme si je n’eusse aultre thesor en ce monde que de te veoir une foys en ma vie absolu et parfaict, tant en vertu, honesteté et preudhommie, comme en tout sçavoir liberal et honeste, et tel te laisser après ma mort comme un mirouoir representant la personne de moy ton pere et, sinon tant excellent et tel de faict comme je te souhaite, certes bien tel en desir. Mais, encores que mon feu pere, de bonne memoire, Grandgousier eust adonné tout son estude à ce que je proffitasse en toute perfection et sçavoir politique, et que mon labeur et estude correspondit très bien, voire encores oultrepassast son desir, toutesfoys, comme tu peulx bien entendre, le temps n’estoit tant idoine ne commode es lettres comme est de present, et n’avoys copie de telz precepteurs comme tu as eu. Le temps estoit encores tenebreux et sentant l’infelicité et la calamité des Gothz, qui avoient mis à destruction toute bonne literature. Mais, par la bonté divine, la lumiere et dignité a esté de mon eage rendue es lettres, et y voy tel amendement que de present à difficulté seroys je receu en la premiere classe des petitz grimaulx, qui, en mon eage virile, estoys (non à tord) reputé le plus sçavant dudict siecle.