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ma mignonne, mamye, mon petit con (toutesfois elle en avait bien troys arpens et deux sexterées), ma tendrette, ma braguette, ma savate, ma pantofle, jamais je ne te verray ! Ha, pauvre Pantagruel, tu as perdu ta bonne mere, ta doulce nourrisse, ta dame très aymée ! Ha, faulce mort, tant tu me es malivole, tant tu me es oultrageuse, de me tollir celle à laquelle immortalité appartenoit de droict ! »

Et ce disant pleuroit comme une vache. Mais tout soubdain rioit comme un veau quand Pantagruel luy venoit en memoire. « Ho, mon petit filz (disoit il), mon coillon, mon peton, que tu es joly ! et tant je suis tenu à Dieu de ce qu’il m’a donné un si beau filz, tant joyeux, tant riant, tant joly ! Ho, ho, ho, ho, que suis aise ! Beuvons, ho ! laissons toute melancholie ! Apporte du meilleur, rince les verres, boute la nappe, chasse ces chiens, souffle ce feu, allume la chandelle, ferme ceste porte, taille ces souppes, envoye ces pauvres, baille leur ce qu’ilz demandent ! Tiens ma robbe, que je me mette en pourpoint pour mieux festoyer les commeres. »

Ce disant, ouyt la letanie et les Mementos des prebstres qui portoyent sa femme en terre, dont laissa son bon propos et tout soubdain fut ravy ailleurs, disant : « Seigneur Dieu, fault il que je me contriste encores ? Cela me fasche ; je ne suis plus jeune, je deviens vieulx, le temps est dangereux, je pourray prendre quelque fiebvre : me voylà affolé. Foy de gentil homme, il vault mieulx pleurer moins et boire dadvantaige ! Ma femme est morte, et bien, par Dieu (da jurandi), je ne la resusciteray pas par mes pleurs ; elle est bien, elle est en paradis pour le moins, si mieulx ne est ; elle prie Dieu pour nous ; elle est bien heureuse ; elle ne se soucie plus de nos miseres et calamitez. Autant nous en pend à l’œil ! Dieu