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Du dueil que mena Gargantua de la mort de sa femme Badebec.

Chapitre III.



Quand Pantagruel fut né, qui fut bien ébahi et perplex ? Ce fut Gargantua son pere. Car, voyant d’un cousté sa femme Badebec morte et de l’aultre son filz Pantagruel né tant beau et tant grand, ne scavoit que dire ny que faire. Et le doubte que troubloit son entendement estoit assavoir s’il devoit plorer pour le deuil de sa femme, ou rire pour la joye de son filz. D’un costé et d’aultre il avoit argumens sophisticques qui le suffocquoyent, car il les faisoit très bien in modo et figura, mais il ne les povoit souldre, et, par ce moyen demouroit empestré comme la souriz empeigée ou un milan prins au lasset.

« Pleureray je ? disoit il. Ouy, car pourquoy ? Ma tant bonne femme est morte, qui estoit la plus cecy, la plus cela, qui feust au monde. Jamais je ne la verray, jamais je n’en recouvreray une telle ; ce m’est une perte inestimable ! Ô mon Dieu, que te avoys je faict pour ainsi me punir ? Que ne envoyas tu la mort à moy premier que à elle, car vivre sans elle ne m’est que languir ? Ha, Badebec,