Page:Rabelais - Pantagruel, ca 1530.djvu/66

Cette page a été validée par deux contributeurs.

petit Turcq boſſu par devant, qui furtivement me crocquoyt mes lardons, mais ie luy baillys si vert dronos sur les doigs a tout mon iavelot quil ny retourna pas deux fois. Et une ieune Tudesque, qui mavoit aporte ung pot de mirobalans emblicz confictz a leur mode, laquelle regardoit mon pouvre haire esmouchete, comment il sestoit retire au feu : car il ne me alloit plus que iusques sur les genoulx. Or ce pendant quilz se amusoient a moy, le feu triumphoit ne demandez pas comment a prendre en plus de deux mille maisons, tant que quelquung dentre eulx lavisa & sescrya, disant. Ventre Mahom toute la ville brusle, & nous amusons icy. Ainsy chascun sen va a sa chascuniere. De moy ie prens mon chemin vers la porte. Et quand ie fuz sur un petit tucquet qui est aupres, ie me retourne arriere, comme la femme de Loth, & vys toute la ville bruslant comme Sodome & Gomorre dont ie fuz tant ayse que ie me cuyde conchier de ioye, mais dieu men punit bien. Comment ? dit Pantagruel. Ainsi que ie regardoys en grand liesse ce beau feu & me gabelant, & disant. Ha pauvres pusses, ha pauvres souritz, vous aurez mauvais hyver, le feu est en vostre paillier, sortirent plus de six cens chiens gros & menutz tous ensemble de la ville, fuyans le feu. Et de premiere venue accoururent droict a moy, sentant lodeur de ma paillarde chair a demy roustie, & me eussent devore a lheure, si mon bon ange ne meust point inspire. Et que fys tu pouvret ? dist Pantagruel. Soubdain ie me advise de mes lardons, & les leur gettoys au meillieu dentre eulx, & chiens daller, & se entrebattre lung laultre a belles dentz, a qui auroit le lardon. Par ce moyen me laisserent, & ie les laisse aussi se pe-