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Comment Pantagruel deffit les troys cens geans armez de pierre de taille, Et Loupgarou leur capitaine. xxxxx Cha. xix

Vignette 117
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ES geans voyans que tout leur camp estoit submergé, emporterent leur roy Anarche à leur col le mieulx qu’ilz peurent hors du fort, comme fist Eneas son pere Anchises de la conflagration de Troye. Lesquelz quand Panurge apperceut, dist à Pantagruel. Seigneur voilà les geans qui sont issuz, donnez dessus de vostre mast à la vieille escrime. Car c’est à ceste heure qu’il se fault monstrer homme de bien. Et de nostre cousté nous ne vous fauldrons point. Et hardiment que ie vous en tueray beaucoup. Car quoy ? David tua bien Goliath facillement. Moy doncques qui en battroys douze telz qu’estoit David : car en ce temps là ce n’estoit qu’ung petit chiart, n’en defferay ie pas bien une douzaine. Et puis ce gros paillard de Eusthenes qui est fort comme quatre bœufz, ne s’y espargnera pas. Prenez courage, chocquez à travers d’estoc et de taille. Or, dist Pantagruel, de couraige ien ay pour plus cinquante frans. Mais quoy ? Hercules ne osa iamais entreprendre contre deux. C’est, dist Panurge, bien chien chié en mon nez, vous comparez vous à Hercules ? vous avez plus de force aux dentz, et plus de sens au cul, que n’eut iamais Hercules en tout son corps et ame. Autant vault l’homme comme il s’estime. Et ainsi qu’ilz disoient ces parolles, voicy arriver Loupgarou avecques tous ses geans. Lequel voyant Pantagruel tout seul fut esprins de temerité et oultrecuydance, par espoir qu’il avoit de occire le pouvre Pantagruel, dont dist à ses compaignons geans. Paillars