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comme tu peuz veoir, et aye gens infiniz en armes, toutesfois ie n’espere point en ma force, ny en mon industrie : mais toute ma fiance est en dieu mon protecteur, lequel iamais ne delaisse ceulx qui en luy ont mys leur espoir et pensée. Ce faict, le prisonnier s’en alla : et Pantagruel dist à ses gens. Enfans iay donné à entendre à ce prisonnier que nous avons armée sur mer, ensemble que nous ne leur donnerons l’assault que iusques à demain sur le midy, à celle fin qu’eulx doubtans la grande venue de gens, cette nuyct se occupent à mettre en ordre et soy remparer : mais en ce pendant mon intention est que nous chargeons sur eulx environ l’heure du premier somme. Mais laissons icy Pantagruel avecques les Apostoles. Et parlons du roy Anarche et de son armée. Quand doncques le prisonnier fut arrivé il se transporta vers le Roy, et luy compta comment il estoit venu ung grand geant nommé Pantagruel qui avoit desconfit et faict roustir cruellement tous les six cens cinquante et neuf chevaliers, et luy seul estoit saulve pour en porter les nouvelles. Davantaige avoit charge dudict geant de luy dire qu’il luy aprestast au lendemain sur le midy à disner : car il se deliberoit de le envahir à ladicte heure. Puis luy bailla celle boette ou estoient les confictures. Mais tout soubdain qu’il en eut avallé une cueillerée il luy vint ung tel chauffement de gorge avecques ulceration de la luette, que la langue luy pela. Et pour le remede ne trouva allegement quiconques sinon de boire sans remission : car incontinent qu’il ostoit le goubelet de la bouche, la langue luy brusloit. Par ainsi l’on ne faisoit que luy entonner vin avecques ung embut. Ce que voyans les capitaines Baschatz, et gens de garde, tastirent desdictes dro-