Page:Rabelais - Pantagruel, ca 1530.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’estoit point asseuré que Pantagruel ne le devorast tout entier, ce qu’il eust faict, tant il avoit la gorge large, aussi facilement que feriez ung grain de dragée, et ne luy eust monstré en sa bouche non plus qu’ung grain de mil en la gueulle d’ung asne. Ainsi qu’ilz bancquetoient Carpalim dist. Et ventre sainct Quenet ne mangerons nous iamais de venaison ? Ceste chair sallée me altere tout. Ie m’en voys vous apporter icy une cuysse de ces chevaulx que avons faict brusler, elle sera assez bien roustie. Tout ainsi qu’il se levoit pour ce faire apperceut à l’orée du boys ung beau grand gras chevreul, qui estoit yssu du fort voyant le feu de Panurge, à mon advis. Et incontinent se mist apres à courir de telle roiddeur, qu’il sembloit que feust ung carreau d’arbaleste, et l’atrapa en moins d’ung riens, et en courant tua des pieds dix ou douze que chevraulx que lapins qui ià estoient hors de page. Doncq il frappa le chevreul de son malcus à travers la teste et le tua, et en l’apportant recueillit ses levraulx. Et de tant loing que peust estre ouy, il s’escrya, disant. Panurge mon amy, vinaigre vinaigre. Dont pensoit le bon Pantagruel, que le cueur luy fit mal, et commanda qu’on luy apprestat du vinaigre : mais Panurge entendit bien, qu’il y avoit levrault au croc, et de faict le monstra au noble Pantagruel comment il portoit à son col ung beau chevreul et toute sa ceinture brodée de levraulx. Incontinent Epistemon fist deux belles broches de boys à l’anticque et Eusthenes aydoit à escorcher. Et Panurge mist deux belles selles d’armes des chevaliers en tel ordre qu’elles servirent de landiers, et firent leur roustisseur de leur prisonnier : et au feu où brusloient les chevaliers, firent roustir leur venaison. Et apres grand chere à force