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Au mois de septembre 1545 la composition en était assez avancée pour qu’il dût songer à solliciter un privilège du roi. Il l’obtint dans les termes les plus flatteurs, malgré l’opposition de la Sorbonne, réduite au silence par l’intervention de Marguerite de Navarre, et par la lecture de son livre que fit à François Ier Pierre Duchâtel, évêque de Tulle. Fort de l’approbation royale, Rabelais mit pour la première fois son nom sur le titre.

Il avait alors dépassé la cinquantaine. Il était connu comme médecin, comme diplomate, comme légiste, comme humamiste et comme poète, mais ses amis seuls songeaient, et pour cause, à le louer d’avoir mis au monde un roman immortel. Il avait enrichi ses imprimeurs. La gloire d’avoir écrit Gargantua et Pantagruel, ne lui arrivait que six ans avant sa mort.

Quand le Tiers livre parut à Paris, chez Chrestien Wechel, en 1546, Rabelais était sur la route d’Allemagne, fuyant la réaction qui venait de se déchaîner et allait aboutir au supplice d’Étienne Dolet, Au mois d’avril on le trouve à Metz, sans doute chez son fidèle Saint-Ayl qui y possédait une maison et des bois. Une place de médecin stipendié de la ville, à 120 livres d’appointements, lui permet, en « vivotant » aussi frugalement que possible, de s’entretenir « honnêtement » et de faire honneur à la maison dont il « était issu à sa départie de France ».

C’est en ces termes que le 6 février 1547 il s’adresse au cardinal du Bellay pour lui demander des secours. Mais la réponse à sa supplique n’a pas le temps d’arriver qu’éclate comme un coup de foudre la mort de François Ier, bouleversant toutes les charges de la cour et envoyant le cardinal Rome avec la surintendance des affaires royales.

Rabelais rentra-t-il à Paris, comme une allusion au duel fameux de la Chataigneraye et de Jarnac semble l’indiquer ? Alla-t-il rejoindre son protecteur en Italie et laissa-t-il prudemment la frontière entre lui et ses ennemis, qui ne parlaient rien moins que de le brûler avec ses livres ? Cette dernière conjecture est la plus plausible : c’est sans doute un messager qui porta à l’imprimeur les premiers chapitres