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des plus friands morceaux, qui passaient par votre gorge, j’en prenais le barrage[1].

— Voire mais, dit-il, où chiais-tu ?

— En votre gorge, monsieur, dis-je.

— Ha ! ha ! tu es gentil compagnon, dit-il. Nous avons, avec l’aide de Dieu, conquesté[2] tout le pays des Dipsodes ; je te donne la châtellenie de Salmigondin.

— Grand merci, dis-je, monsieur ; vous me faites du bien plus que n’ai desservi[3] envers vous. »

LA CONCLUSION DU PRÉSENT LIVRE ET L’EXCUSE DE L’AUTEUR.

Or, messieurs, vous avez ouï un commencement de l’histoire horrifique de mon maître et seigneur Pantagruel. Ici, je ferai fin à ce premier livre ; la tête me fait un peu de mal, et sens bien que les registres de mon cerveau sont quelque peu brouillés de cette purée de septembre[4]. Vous aurez le reste de l’histoire à ces foires de Francfort prochainement venantes, et là vous verrez comment Panurge fut marié et cocu dès le premier mois de ses noces, et comment Pantagruel trouva la pierre philosophale, et la manière de la trouver et d’en user, et comment il passa les monts Caspies, comment il navigua par la mer Atlantique, et défit les Cannibales, et conquêta les îles de Perlas, comment il épousa la fille du roi d’Inde nommé Presthan[5], comment il combattit contre les diables, et fit brûler cinq chambres d’enfer, et mit à sac la grande chambre noire, et jeta Proserpine au feu, et rompit quatre dents à Lucifer, et une corne au cul, et comment il visita les régions de la lune pour savoir si, à la vérité, la lune n’était entière, mais que les femmes en avaient trois quartiers en la tête, et mille autres petites joyeusetés toutes véritables. Ce sont beaux textes d’évangile en français. Bonsoir, messieurs. Pardonnate mi, et ne pensez tant à mes fautes que ne pensez bien ès vôtres.

  1. Droit de passage.
  2. Conquis.
  3. Fait service.
  4. Vin.
  5. Prêtre Jean.