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La proximité des Alpes, déversant à Lyon un flot incessant d’auteurs italiens, en faisait un centre intellectuel moins original peut-être, mais à coup sûr aussi actif que Paris.

Dès ses premiers pas dans cette cité du livre, Rabelais est comme grisé. Coup sur coup, il publie une édition des Lettres médicales d’un médecin ferrarais Giovanni Manardi (juin 1532), une réimpression des Aphorismes d’Hippocrate en juillet, le Testament de Lucius Cuspidius en septembre. Il met son nom sur un Almanach pour 1533 et une Pronostication imitée des oracles en vogue de Nuremberg ou de Louvain. Il ne dédaigne même pas, peut-être, de revoir un assez piètre livret de colportage populaire : les Grandes et inestimables cronicques du grant et énorme géant Gargantua, qui met en scène les prouesses d’un héros légendaire remontant au moins au xve siècle. C’est le succès de ce petit livre de colportage dont il est plus vendu en deux mois que de bibles en neuf ans, qui l’amène à écrire en 1532 les Horribles et espouvantables faicts et prouesses du très renommé Pantagruel, roy des Dipsodes, et, en 1534, la Vie inestimable du Grand Gargantua, père de Pantagruel.

Les deux premiers chapitres du roman rabelaisien étaient nés.

L’admirable épopée bouffonne ne prolita guère tout d’abord à son auteur. Le bénéfice des éditions successives, alla, selon l’usage du temps, aux imprimeurs, et Rabelais ne connut peut-être même pas la gloire littéraire, car ni l’un ni l’autre des deux livrets ne parut sous son nom. Sur le Pantagruel il anagrammatisa François Rabelais en « Alcofribas Nasier », et sur le Gargantua il se dit « abstracteur de quintessence ». Mais, en revanche, ses publications savantes, aujourd’hui plus sévèrement jugées, lui valurent des résultats appréciables et immédiats.

Grâce à elles, au mois de novembre 1532, les conseillers du grand hôpital de Lyon l’attachèrent à leur établissement, bien qu’il n’eût encore que le grade de bachelier et qu’il ne prit le titre de docteur que par un abus assez général à l’époque. Il vit grandir sa réputation de médecin érudit. Des dissections anatomiques — une curiosité pour l’époque —